Paris Brest Paris c‘est pas du gâteau !
4 du VCVE ont réussi les brevets pour participer à ces jeux olympiques des cyclotouristes qui se tiennent tous les 4 ans. Cette année, départ à la Bergerie Nationale de Rambouillet -78- Au programme, 1219 km et 10200 m de dénivelé en 80, 84 ou 90 h selon l‘heure du départ. 6673 participants, 66 nationalités, parmi eux, 1600 Français (24 % seulement) et 534 femmes… (j‘ai lu sur internet que la récente vainqueur de la race accross America, a pris le départ du PBP venant de Brest … à vélo !!).
Départs en 26 vagues (plaques de A à Z) de 300 du dimanche 18 à 16h au lundi 19 à 5h30.
Au départ, des vélos de toutes sortes, du plus élaboré au plus fantasque (un Breton s‘est fait voler son vélo à 10000 euros sur un contrôle)… vélo carènés, couché, pliant, pignon fixe, roues 12 pouces, VTT (Président faut que tu motives tes troupes pour dans 4 ans !) et même un fat bike, ce gros pneu gonflé à 1,5 bar ! J‘ai vu des vélos pourris qu‘on ramasserait pas sur une décharge (appartenant notamment à un hindou ). Beaucoup ne rallieront pas l‘arrivée et j‘ai du mal à comprendre comment certains rajoutent de la difficulté là où y‘en manque déjà pas ! Le masochisme poussé à l‘extrême…
Je prends avec Manu le dernier départ à 5h30, après une nuit passée sur place. Il fait nuit mais il fait bon, un super temps pour faire du vélo : on va être servi ! Tout de suite ça part vite, malgré les motos ouvreuses qui sont sensées réfréner l‘allure, mais l‘adrénaline et l‘impatience jouent à plein. Des vagues de 300, c‘est beaucoup trop, surtout que beaucoup savent pas rouler, ont peur et font des vagues. Sur la série X partie 1⁄2 h avant nous, une chute en a envoyé 6 à l‘hosto. Je dis à Manu de remonter les cassures pour choper les bonnes roues et s‘éviter de prendre les relais. Quand le jour arrive, Manu a sauté, je suis dans un groupe d‘une quinzaine avec qui je remonte des pelotons partis avant nous, grisant !! A Mortagne (120 km) atteint en 4h, je rejoins Claude qui nous assiste sur ce PBP, vivant par procuration cette épreuve qu‘il a courue 5 fois. Il nous installe deux chaises longues à chaque contrôle, nous prépare à manger…C‘est grâce à lui qu‘on parviendra au bout de cette épreuve.
Dans les premières heures, plusieurs chutes, un Américain qui a heurté un blaireau, un Russe qui est tombé sur les dents, un neo Zélandais,,, venir d‘aussi loin pour abandonner si vite !
Finalement, on repart ensemble avec Manu pour Villaines la Juhel -53- sur un tronçon“mal plat“ et mauvaise surprise avec un vent 3⁄4 face gênant. Thierry, parti la veille, informe par tel que sur la Bretagne, c‘est pire et que le vent est de face ! Moment de doute, on se dit que la partie s‘annonce plus coriace que prévu. Car côté météo, on sortait de 20 jours pourris sur la Bretagne, avec de la pluie, du vent jusqu‘à 90 km/h, du froid …Le beau temps était annoncé le jour même du départ du PBP, le bol ! Quoique le matin du départ on a pris un orage 5 XL sur Rambouillet, mais le soleil est vite revenu et les premiers sont partis sur des routes sèches.
Inexplicablement, quand on est reparti de Villaines, le vent est tombé, OUF !! On arrive à Fougères avec la nuit, où Claude nous attend pour une soupe. Une heure de micro sommeil et on repart, après que notre coach nous ait dit : “ça va monter et il devrait pas pleuvoir !“. Forts des conseils du coach, on repart. A peine sorti de Fougères on est pris sous la pluie sur une route résolument… plate !! On a bien rigolé. Ca a duré 1/2h environ et ça n‘a pas empêché les Bretons de nous encourager en pleine nuit pour nous offrir à manger et à boire. Vraiment sympa ! La deuxième partie de nuit par contre a été glaciale (4 degrés) avec du vent qui nous congelait. C‘est à 22 km de Tinténiac qu‘on a croisé les 4 premiers, déjà sur le retour. Au petit jour, on arrive à Loudéac à 5h50, Il fait encore froid mais beau. On mange et on consulte tous les deux la sécurité civile pour le mal à la selle, déjà !! On repart et on arrive à midi à Carhaix sous le soleil, On croise Nico, qui revient déjà de Brest. A ce moment, un journaliste du Télégramme de Brest nous demande s‘il peut faire un reportage sur nous, qui paraîtra le lendemain, On accepte, il nous questionne, prend un dizaine de photos et s‘en va. Le lendemain, on regarde le journal, il y a un super article sur le PBP, mais pas de photos de nous. Finalement, Claude lit l‘article, et il y a deux phrases qui parlent de … Claude ! Le seul qui roule pas. Lol moi qui avait vendu à ma femme par tel qu‘on avait un article sur nous !
L‘accueil des Bretons a été exceptionnel. Sur le bord des routes, de jour, de nuit, à nous offrir à boire ou à manger gratuitement… j‘ai vu devant une maison la nuit, une lampe tempête qui éclairait de l‘eau, du coca, des bières (? c‘est dans 4 ans qu‘il y aura des VTTistes du VCVE !) et le panneau : “servez vous“. Cette année où les Français sont sous représentés, ils écrivent “coffe, water, free“ plutôt qu‘en français. Au sommet d‘une bosse, je vois un ado avec sa mère qui distribue de l‘eau, je lui demande de remplir mon bidon, le gamin se tourne vers sa mère :“Maman, y‘a un Français !“. Manu arrive, demande la même chose,“Maman deux Français !!“. Mais le point d‘orgue de l‘accueil fut à Brest. De partout, on nous encourage, félicite, on nous offre à boire (je vois encore un petit garçon timide qui tient sa bouteille d‘eau et qui n‘ose pas la proposer, des jeunes filles qui nous tendent de l‘eau …) car nous sommes les dernières vagues, les 6000 ème ! Ils pourraient se lasser mais non, on est reçu comme des rois. Pas un automobiliste, que pourtant on gêne, ne s‘énerve, et s‘il klaxonne, c‘est pour nous encourager !
On mange à Brest à 17h30 sur un parking de supermarché, où là aussi on nous félicite. On repart pour Carhaix où on arrive à 22h30. L‘idée est de poursuivre sur Loudéac, mais Claude voyant nos yeux éteints, nous conseille sagement de
dormir 2 h dans sa voiture. Sage décision, on tient plus debout. Après 41h, on a dormi deux fois 1h, en début et fin de la 1ére nuit. C‘est “la“ difficulté de l‘épreuve, gérer son temps de sommeil. On repartira plus frais dans une nuit fraiche mais beaucoup moins que la première, pour arriver à Loudéac à 7h15, sous le soleil.
Re passage à la protection civile, on morfle !.Tinténiac est rejoint à 13h, Fougères à 16h sous 28 degrés !! Là des Asiatiques sont habillés comme nous les très gros hivers, surchaussure, gant d‘hiver, veste chaude, gilet fluo … Manu leur demande s‘ils ont pas chaud, ils répondent : “chez nous il fait 40 degrés !“ Il demande à un Honk Kongais comment il s‘entraîne (le pays est sururbanisé et fait 70 km du nord au sud), il répond :“ on cherche une route de 10 km un peu tranquille et on fait des allers retours dessus ! “ Il y a 25 représentant de Honk Kong cette année.
On s‘élance pour les derniers 300 et notre dernière nuit sur le vélo. Elle sera plus douce au niveau de la température, mais le manque de sommeil va nous frapper tous les deux, dans la Sarthe où une interminable ligne droite de 30 km avec des centaines de feux rouges vont nous détruire les yeux. Avant Villaine, un Anglais a chuté dans une descente sans casque (pas obligatoire) l‘ambulance a retardé le peloton de Manu pour le charger. On mange à Villaine et c‘est la digestion combinée au sommeil qui va faire de cette nuit la plus longue depuis le départ. A un moment, on s‘arrête et on s‘endort tel que sur la route comme des clodos, ivres de fatigue. Partout dans les fossés, des cyclos pioncent … Un gars est allongé dans l‘herbe perpendiculaire à la route, la tête à la limite de la route … Comme un mec qui veut se suicider et qui ose pas ! Finalement on repart mais on sent qu‘on a moins la pêche, de mental. Le grand coup de mou du PBP 2019 … Avant Mortagne, on chope des brumes froides, jusque là il faisait bon. Au contrôle, vers 4h/5h, des centaines de cyclos dorment à même le sol, sous les tables, là où y‘a de la place …Tout le monde est rincé, dans un triste état. On dort avec Manu 1h30 et on repart avec le jour, avec le mal à la selle aussi ! Je vais pédaler en danseuse pendant plus de 100 km pour finir. L‘étape d‘après est plus plate et avec le beau temps, nous arrivons à Dreux à 10h30, où le frère de Manu est venu l‘encourager. On Il nous reste 44 km, il fait beau, on est largement dans les temps, bref c‘est gagné, une douce euphorie nous gagne.
En repartant, alors que Manu se trouve devant moi,(peut être la 1ère fois depuis le départ) je pète ma chaîne. Je l‘appelle, le siffle il m‘entends pas. Evidemment, je n‘ai pas de dérive chaine pour m‘allèger et je peux pas réparer. Je demande aux rares coureurs qui passent -tous étrangers- s‘ils peuvent m‘aider et c‘est un Croate qui va carrémént me donner un dérive chaîne ! Sympa. Alors que je répare, une nana descend d‘une moto et me filme en me questionnant; Je lui demande pour quel journal elle bosse, elle me répond qu‘elle fait le CD du PBP ! 3 jours sans dormir, j‘ai sacrifié pas mal de maillons avant d‘arriver à réparer ! Lol Je termine donc seul et finis 1/2h après Manu qui réussi haut la main son pari et a même bluffé son coach qui pensait le voir en chier un peu plus !! 80h sur 84, à part le mal au Q, on arrive relativement frais ! (j‘ai bien dit relativement). Bravo à lui.
Nico a fini avant nous, bénéficiant de l‘assistance de sa femme et de sa mère, qui comme Claude sont à féliciter. Ce n‘est pas reposant du tout, quelques heures de sommeil volées durant 3 jours. Claude a même perdu 5 kg !!! (je sais il peut se le permettre) Grâce à lui, moi j‘en ai perdu aucun !
Cette année, le peu de Français au départ va faire du bruit, dû à une demande de préinscription qu‘on demandait pas avant. Le problème c‘est que chez nous, c‘est sérieux contrairement à certains étrangers, notamment asiatiques, qui achèteraient leurs brevets, et prennent nos places sans avoir le niveau. Ainsi on a vu au 170 ème km des cyclos asiatiques prendre le train pour rentrer sur Rambouillet ! Une bénévole me disait que des asiatiques ont pris une chambre à Maurepas dans la banlieue de Rambouillet la 1ère nuit ! Cette année malgré la météo exceptionnelle, 20 % d‘abandons et énormément de hors délai …
Personnellement je finis mon 4 ème et je pense dernier PBP, mais comme m‘a dit mon fils, “tu dis ça à chaque fois !“
Laurent