Paris Brest 2019, 1 220 km, 12 232 m de dénivelé, 6 700 participants, 1500 français, 67 nationalités, le vainqueur l’a fait en moins de 45 h. Départs sur 2 jours, pour ceux qui partaient pour 80 et 90 h max, le dimanche 18 août et pour ceux en 84h max, le lundi matin 19 août.
Majorité d’européens, allemands, italiens, espagnols, mais aussi beaucoup d’asiatiques, indiens qui n’avaient pas forcément tous passés les brevets, on a vu des abandons après 150 km… On parlait plus anglais sur le vélo que français, on voyait de pancartes free coffee, water sur les bords de route et sur les contrôles, les bénévoles avec une moyenne d’âge > à 65 ans avaient un peu de mal à communiquer, mais une ambiance internationale exceptionnelle.
J-1
Départ en train de Montparnasse pour contrôle technique des vélos à 12h45, je prends large car je pars à 10h. Déjà dans l’ambiance car toutes les places de vélo dans le train sont prises d’assaut par des PBP, essentiellement des étrangers.
Arrivé à Rambouillet, le trajet vers la Bergerie se fait sous des trombes d’eau, résultat, j’arrive avec les gants, chaussures et chaussettes trempées, pas le top pour partir.
Contrôle technique sans problème, récupération des plaques et autres formalités administratives, déjeuner avec Claude et Marc, puis Laurent nous rejoint.
On passe le reste de la journée à profiter des départ en vague, allons supporter Nicolas qui part seul vers 19h, on a loupé Thierry parti 2 h avant.
Nuit sur place, sur des lits de camp, sommaire mais pour 13€ on ne peut pas tout avoir.
Jour J
Lever à 4h, pas besoin de réveil car j’étais réveillé depuis 2h30, le stress du départ sans doute. Petit déjeuner copieux, on récupère les vélos, derniers préparatifs et on se dirige vers le SAS de départ dans la nuit noire. La température est très bonne. Dans la file d’attente, bizarre, alors que je n’ai pas stressé jusqu’à maintenant, je commence à psychoter, je crois avoir mal au ventre, au genou… Laurent veut que l’on se place derrière les voitures qui ouvrent la course pour éviter de se retrouver dans le gros peloton, alors on se place toute de suite dans les starting-blocks.
Rambouillet – Mortagne au Perche (120 km) ↑1116 ↓-1029
Départ sur les chapeaux de roue dans la nuit noire, c’est magique et nouveau pour moi de rouler avec des centaines de vélos, les motards suiveurs… on remonte plein de coureurs sur les premiers km à une moyenne de 30-35, c’est un peu vite pour moi, je le sais mais bon j’essaie de rester dans la roue de Laurent. J’entends des « les gars, il reste 1200 km à faire! ». Au bout du km 30, je m’aperçois que ce n’est pas Laurent qui est devant moi, il fera l’étape avec une moyenne de 30km/h, je réduis donc la vitesse et me mets dans des groupes dans une allure de croisière rapide quand même. Km 58, je m’arrête pour discuter avec Philippe, mon frère, qui est venu me supporter en voisin, ça fait juste une pause à la moitié: parfait. Je repars et dans l’euphorie me plante dans le trajet, comme je ne voyais plus de coureurs devant moi, vérification sur openrunner pour m’apercevoir que je devais revenir sur mes pas, mais pas trop grave, j’ai fait maximum 1 km en plus. Le reste de l’étape est fait en partie seul ou dans des petits groupes de 3-4 personne, notamment avec un américain qui roule en fixie! Je discute avec quelques coureurs, ça aide avec un léger vent 3/4 face, et j’arrive à Mortagne en 5h avec une bonne moyenne pour moi de 26 km/h. Laurent est déjà arrivé depuis 1 heure. On se ravitaille, pâte et sucre, et on repart après 30 mn, je me sens bien.
K 120 Mortagne au Perche – Vilaine le Juhel (98 km) ↑979 ↓-1043
Étape interminable avec un enchaînement de bosses et un vent de face qui nous obligent à rouler dans les roues. On roule dans des petits groupes, et on prend les relais, on ne passe pas encore des villages avec une grande ferveur qui aurait pu nous donner un peu de boost. On arrive finalement à Vilaine. Preuve que j’y ai laissé des plumes, lorsque j’arrive à Vilaine La Juhel, je ne vois pas Claude à l’arrivée et après le pointage, ayant mal lu le SMS de Claude, je pars dans le mauvais sens avant de m’arrêter, lire correctement le message et de rebrousser chemin pour retrouver Claude et Laurent qui se demandaient si je faisais la gueule. Non, ça m’apprendra à ne pas survoler les explications, résultats les 3 œufs au plat préparés par le Chef Claude sont froids. Après s’être restaurés, on se repose quelques minutes et on repart.
K 219 Vilaine -Fougere (89 km) ↑847 ↓-939 Le vent est moins fort, et l’étape doit se passer
sans difficulté majeure puisque ma mémoire fait
défaut pour cette étape, on arrive en début de
soirée à Fougères, nous restaurons et dormons 1 h avant de repartir à la tombée de la nuit.
La voiture suiveuse, c’est toute une logistique, finalement on dormira sur les sièges avant car tout enlever à chaque fois, c’est trop et de toute manière on s’endort n’importe où quand on est crevé
K 308 Fougères – Tinteniac (54 km) ↑427 ↓-479
On est arrivé en Bretagne, très vite, on est rattrapé par la pluie, une vraie bruine bretonne, pas forte mais juste assez pour nous emmerder. J’enlève finalement mes lunettes, car avec les phares dans la nuit et la fatigue, ça devient difficile mais les jambes vont bien. On croise les premiers, de mémoire 3 coureurs avec les motos de sécurité derrière: nous, on n’a plus vu une moto depuis Vilaine. La Bretagne ce n’est pas que la pluie, c’est une ferveur dans tous les villages, on est applaudi partout, dans un village une centaine de personnes nous encouragent, des enfants avec des paniers remplis de gâteaux qu’ils nous offrent, malheureusement on ne peut pas s’arrêter partout si l’on veut finir dans les temps.
Je commence à avoir mal au fessier, je pense que c’est la crème anti frottement qui en fait m’irrite, erreur de débutant, j’ai changé de marque et c’est la première fois que je l’utilise. Pour le 600, je n’avais pas réellement eu de souci. Et à partir de maintenant et jusqu’à la fin, je vais faire de la gestion de mon assise sur la selle ( !), heureusement, j’ai une bonne selle en cuir, si ça peut compenser.
Arrivé à Tinténiac, les jambes vont toujours bien mais je vais à l’infirmerie, les secouristes de la Protec me mettent une « seconde peau » et me promettent que je ne devrais plus avoir de souci mais au cas où, devrai aller voir leurs collègues à Loudéac…
Ravitaillement et on repart.
K 362 Tinteniac – Loudeac (84 km) ↑826 ↓-729
Première partie sans trop de difficulté dans la nuit, on enchaine les bosses à notre rythme, la température a baissé et on sent l’humidité du début de nuit. Km 26, on s’arrête à Quedillac pour prendre un café et un μsommeil (5 mn) et on repart.
Les premières minutes sont difficiles car il faut se réchauffer, même si on ne s’est pas arrêtés longtemps, c’était suffisant pour se refroidir. On pédale encore une bonne heure 1⁄2 et on s’arrête 1⁄4 d’heure dans un village avec un bar monté exprès pour le Paris Brest et des bretons suffisamment accueillants pour que l’on prenne une soupe bienvenue pour se réchauffer.
Mais le redémarrage est très difficile et les derniers km, 20, 30, je ne me rappelle plus mais je me souviens de claquer des dents pendant d’interminables minutes et de finir le trajet vers Loudéac vers 6H du matin sans être capable de réellement me réchauffer. Arrivé à Loudéac, après le contrôle, direction l’infirmerie où l’on me remet une nouvelle 2ème peau après nettoyage des féfesses de Manu, et dire que les secouristes sont bénévoles : respect.
Ravitaillement, courte sieste et on repart. On a fait 448 km en 24h, on est plutôt en avance sur nos prévisions mais attention on a dormi qu’une heure.
K 446 Loudéac – Carhaix (77 km) ↑869 ↓-856
On repart à l’aube avec une cote interminable (plusieurs km) et pentue et tout le parcours est un enchainement de bosses sans réel moment de repos mais la température est bonne, les bretons nous encouragent et la campagne est jolie : ça aide, arrivé à Carhaix, on se restaure, croisons Nicolas qui est déjà sur le retour alors que Thierry le 4ème du club a abandonné la veille vers Carhaix. Il fait plutôt chaud mais ça reste des chaleurs bretonnes. On repart, les Monts d’Arrée nous attendent.
K 523 Carhaix – Brest (89 km) ↑1033 ↓-1139
La montée est longue mais pas très pentue, donc une technique : profiter de la beauté de la forêt, du village de Huelgoat, de son petit lac et éviter de regarder trop loin devant car c’est très très long pour arriver à Roc Trévézel.
La descente vers Brest est très agréable d’autant plus que l’on croise les autres coureurs qui sont dans la montée dans l’autre sens. On a les plaisirs que l’on se crées ! Mais ensuite, l’arrivée vers Brest me paraît très longue, Laurent est loin devant moi et je n’arrête pas de relancer pour le garder en vue… On arrive enfin sur le pont de Brest : le grand Kiff
Mais pour aller au point de contrôle, on se tape une belle cote qui coupe les pattes car mentalement je me croyais arrivé mais il y avait encore qq km à parcourir. Ravitaillement sur un parking de centre commercial qui fait l’attraction des badauds et incite à la discussion…
K 612 Brest Carhaix (86 km) ↑1080 ↓-974
On repart de Brest avec un beau temps en fin d’après-midi, passons par Landerneau, des coins que je connais bien. Et on remonte vers les Monts d’Arrée, faut être un peu barge pour se taper le Roc Trévézel 2 fois dans la journée. Mais finalement, ce n’est pas si dur car peu de pourcentage (j’en profite dans la montée pour lire mes SMS, ce n’est pas très prudent mais ça détourne l’esprit de l’effort et à 12 km/h on ne prend pas de grands risques). Ensuite pour l’essentiel ça descend et l’arrivée sur Carhaix se fait à des vitesses élevées en début de soirée (record 70 km/h).
Arrivés à Carhaix, contrairement à ce que l’on avait pensé, on est trop fatigué pour repartir, on décide donc de se restaurer et de dormir 2 heures.
K 698 Carhaix – Loudéac (86 km) ↑996 ↓-1011
Réveil à 2 h et départ 15 mn après, c’est violent, j’ai l’impression que mes genoux vont se péter en deux, que je ne vais pas faire plus de 5 km et puis le corps se remet en place, la nuit est tiède. On se fait rattraper par un groupe qui roule bien et on se met dans leurs roues avec leur éclairage surpuissant, ça facilite l’étape. Les températures baissent en fin de nuit mais tant que l’on ne s’arrête pas c’est supportable. A un moment, on se plante de direction, le fléchage est super bien fait et si on ne voit pas d’indication dans un village, faut se poser des questions, heureusement openrunner est là et comme j’avais un doute, après vérification, on rebrousse chemin pour croiser un autre groupe, des nantais, qui connaissent Champ sur Layon (!), mon village de naissance dans le M&L, et on roule ensemble pratiquement jusqu’à Loudéac avec sur la dernière partie du parcours des descentes techniques dans lesquelles il vaut mieux rester concentré si on ne veut atterrir aux fraises.
K 784 Loudeac – Tinteniac (87 km) ↑734 ↓-830 Je fais réviser mon vélo car le décathlon premier
prix a atteint ses limites, les vitesses passent mal
et c’est pénalisant surtout dans les montées. On
voit plein d’abandons, les vélos sont mis dans des sacs plastiques et une navette emmène en continu les coureurs au TGV: on est chanceux car relativement en forme au km 784.
On repart tranquillement vers Tinténiac avec un contrôle secret à Quédillac. Arrivé à Tinténiac, je repasse à l’infirmerie pour soin des féfesses, ce sera le dernier passage aux soins. Ravitaillement sous un beau soleil et on repart…
K 846 Tinteniac – Fougères – (54 km) ↑487 ↓-438
Cette courte étape se fera sur un bon rythme, on croise un coureur breton du coin qui nous met dans sa roue, je discute avec un brésilien qui vient de Curitiba, et ça me ramène à mes vacances au Brésil… L’arrivée sur Fougères est un peu dangereuse car il y a pas mal de circulation et le contrôle est en plein centre de Fougères. Bon ravitaillement, avec des pates bolognaises, Claude est en mode amélioration continu, c’est son passé Alstom qui revient.
K 899 Fougères – Vilaine La Juhel – (89 km) ↑956 ↓-864
En sortie de Fougères, la montée est interminable, plusieurs km avant d’arriver dans un village où on fait une pose WC et prenons le temps de discuter avec les personnes qui offrent gâteaux, fruits, souvent des retraités et leurs petits-enfants. On repart et peu après on rejoint, une cycliste avec qui on a déjà fait un bout de chemin entre Loudéac et Tinténiac pour l’aider car elle était à la ramasse. On discute pas mal, et on s’arrête à 30 km de Vilaine pour prendre une glace dans un village sympa, mais son coach arrive et lui dit de remonter sur son vélo dare dare si elle ne veut pas louper son Paris Brest… Je ne comprends pas tout dans la stratégie, on a au moins 3 heures d’avance sur le temps maximum, je ne vois pas comment prendre une pause de 15 mn met en péril son PBP, mais bon c’est ma première expérience. Je repars, bien en jambes pour faire les 30 derniers km, dans le début de soirée pour finir de nuit et arriverai à Vilaine à 22h30. Petite frayeur dans une cote car ma chaine saute et reste coincée dans le dérailleur AV, à la lampe frontale, je regarde, heureusement, plus de peur que de mal, j’arrive à remettre la chaine et repars pour enchainer les cotes et les descentes techniques et passablement dangereuses. On n’est arrêté par les gyrophares… un anglais a eu un accident, en plus il roulait sans casque. Arrivé à Vilaine, j’appelle Claude et profite de l’ambiance de ce contrôle, c’est une vraie fête de village, s’y mélangent les coureurs et toute une population de tous les villages alentours car le Paris Brest est une date dans la région et on y vient pour y faire la fête. Je prends des sandwichs et repars.
K 1073 Vilaine La Juhel – Mortagne au Perche (84 km) ↑878 ↓-816
Laurent veut repartir tout de suite, mais je sens que je dois dormir 1 heure, finalement, je ne dors que 20 mn et on part dans la nuit noire vers minuit passé. Les premiers km se font à une bonne allure mais au bout de 2 heures, j’ai un coup de pompe comme je n’ai jamais eu, j’ai froid, envie de dormir, et je sens que je perds en lucidité, je n’arrive plus à passer les vitesses correctement, vois mal… Je dois m’arrêter, finalement, on s’arrête en pleine campagne sur le bord de la route et on s’endort, j’aurais dû prendre la couverture de survie car on se pèle, il fait froid et humide.
On repart après 10 mn 1⁄4 d’heure, je ne me souviens que tout
le reste du parcours va être l’enfer, c’est ce qui s’appelle
puiser au fond de ses réserves, je mange le sandwich que
j’avais gardé de la veille, mets la musique (ERA) bref, tout ce
qui peut m’aider à ne pas abandonner, ce serait con: si près
du but mais j’en bave vraiment, on parle du mental qui fait la
différence pour le Paris Brest, ça doit être ça… Mais
honnêtement, à ce stade, la frontière entre continuer ou
abandonner doit être très ténue. En plus, sur les 20 derniers
km, il y une sorte de brouillard, brume, qui me fait claquer
des dents et l’arrivée sur Mortagne se fait via une cote qui
me paraît interminable, mais finalement, à la gnaque, je vois
les lumières du contrôle, pose le vélo dès que je peux, vais au
contrôle avec Claude qui attendait, et me couche par terre
illico et m’endors la seconde d’après.
K 1040 Mortagne au Perche – Dreux (77 km) ↑642 ↓-807
Après 3⁄4 d’heure de sommeil, on repart, le moral est revenu au beau fixe, c’est bon il reste 100 km, à faire en 11 heures, c’est dans nos cordes. On roule plus lentement, il y a pas mal de cotes en sortant de Mortagne et les corps sont fatigués après 3 jours et 3 nuits, mais le moral est super bon, ça y est, on voit le bout et en plus la température est agréable. On passe un village où un bar a mis une grande table devant avec café et pains au chocolat, Laurent qui est devant moi ne s’arrête pas… merde, je me serais s bien arrêté pour profiter des derniers moments du PBP. On arrive finalement à Dreux, où Philippe et Titouan m’applaudissent en larmes, super émus… non, j’en rajoute un peu sur le coup.
On profite et prend le temps de se restaurer longuement, c’est bon, on l’a fait, il ne reste que 44 km.
K 1175 Dreux – Rambouillet (44 km) ↑356 ↓-276
Les derniers km se font à une vitesse de tortue, la décompression, je roule avec Laurent mais à un moment il s’arrête pour prendre un doliprane donné par un autre cycliste et je file. Mais je ne le reverrai plus jusqu’à l’arrivée, je ne comprends pas, est-ce qu’il m’a doublé quand je m’étais arrêté pisser ou quand on s’est un peu paumé à l’arrivée sur Rambouillet. Bref, j’arrive seul à Rambouillet, en fait Laurent a cassé sa chaine juste après que je l’ai quitté, et il n’avait pas de dérive chaine, moi si… mais, on finit tous les 2 avec 4 heures d’avance avec la banane ; ça y est, je l’ai fait, et ce pari à la con fait il y a 1 an, à savoir toiser Claude à la fin d’un repas bien arrosé en lui disant que je ferais le PBP avec lui s’il le faisait… est devenu réalité.
K 1219