Longue chappe et les sept mains
ou
L’histoire de sept mercenaires dans le Malesherbois
Fabrice, Fabulous Man
Pascal, Bodega Man
Sylvain, Junior Man
Alain, Wise Man
Fred, Princess Man
Patrick, Elfe Maléfique Man
Vince, Trace Man, l’auteur
(Claude, Gandalf Man, entre parenthèses sinon ça fait huit et le titre n’a plus aucun sens)
(Caroline, Caroline Woman, entre parenthèses aussi, parce que…)
L’histoire débute dans les frimas de novembre, en assemblée générale sous les vieilles pierres de la salle du château de Coupvray. Gandalf Man le Claude relance la quête mythique d’une sortie cohésion mêlant routiers et vttistes dans d’héroïques chevauchées à travers monts et collines, sous-bois et prairies, routes et chemins, cols escarpés et vallées profondes.
Un mois, une table ronde, deux pizzas et quelques bouteilles de rosé plus tard le groupe de travail chargé de l’organisation livre sur parchemin sa proposition à tous les membres du club. L’épopée aura lieu le weekend de Pentecôte en aller-retour depuis Magny et visera un château: Compiègne, Fontainebleau ou Château-Thierry. Les volontaires pour l’aventure ont tout le mois de janvier pour se manifester. En février l’hébergement est retenu. Princess Man a trouvé un gîte pouvant accueillir douze personnes et situé à Nangeville, dans le Loiret, à proximité de la base de loisirs de Buthiers. Heureusement car tous les hébergements de la base de loisirs sont déjà pris avant même l’ouverture officielle des réservations! A quelques semaines du départ Caroline Woman doit bien malheureusement renoncer: petit problème de santé, il vaut mieux prendre le temps de la guérison. Courant mai Gandalf Man réserve le minibus 9 places que la mairie de Coupvray met gracieusement à disposition des associations. Nous aurons un véhicule suiveur, bien pratique pour le transport des bagages et parer à d’éventuels coups de fatigue et pannes mécaniques. A une semaine du départ Trace Man concocte de savants itinéraires dans son chaudron numérique. Des itinéraires VTT puisqu’au final seuls des vttistes sont engagés dans l’aventure. L’aller, 100km depuis Magny, se fera en faisant étape à Brie-Comte-Robert, Saint-Fargeau Ponthierry et Milly-la-Forêt. Le retour, 100km également, passera plus au nord par Evry et Pontault-Combault. Chaque étape permet un ravito et un changement de conducteur. L’organisation se précise, le minibus sera récupéré la veille et stationné chez Gandalf Man. Les bagages seront déposés la veille pour ceux habitant à proximité de Magny. Le départ aura lieu depuis Magny à 8h00 pour récupérer ces messieurs les Vilcomtois et leurs bagages en leur fief de Villeneuve-le-Comte à 8h30.
Quelques jours avant le départ Gandalf Man nous fait part d’un empêchement: il ne pourra être des nôtres que lundi matin. Nous adaptons l’organisation des relais conducteurs et voilà, le grand jour est là, avec un peu d’appréhension au départ. Pour la majorité du groupe 100km c’est une première. Alors deux fois en trois jours, ça semble vraiment beaucoup. Trace Man rappelle le mantra de sagesse de Gandalf Man: « le vélo, c’est pas compliqué, suffit de pédaler ». Junior Man, Wise Man et Elfe Maléfique Man, partis en vélo depuis Magny, arrivent au rendez-vous chez Trace Man à 8h20, accompagnés de Président Man, Thierry, qui se fait un grand plaisir d’assister au départ. Gandalf Man, arrivé avec une minute d’avance sur l’horaire prévu est déjà là depuis 8h14 avec le minibus. Bodega Man véhicule Princess Man. Ils sont arrivés vers 8h10 malgré un réveil difficile de Bodega Man du fait que, je cite: « quand tu te couches tard et que le matin tu confonds la bouteille de jus d’orange avec celle de punch, hé ben ça fait tout drôle ». Chargement des bagages et des courses de la veille composées pour l’essentiel de quelques bouteilles d’une boisson fraîche, gazeuse et vitaminée que le commun des mortels non vttistes dénomme « bière », de cahouètes (attention, ne pas répéter la première syllabe, ça fait rire Elfe Maléfique Man) et de TUC. Pour les ignorants, le TUC est un petit biscuit salé, croustillant et doté de propriétés mystérieuses connues des seuls initiés.
8h32. Avec deux minutes de retard la joyeuse troupe s’ébroue sur les chemins en direction de Brie-Comte-Robert par Neufmoutiers et Tournan-en-Brie. La terre est sèche, l’air frais, le soleil radieux, les truffes humides, l’allure soutenue. Gandalf Man partage sa position GPS au WhatsApp du groupe. Un vrai geek. Il est en position au point prévu, juste avant de franchir la Francilienne au sortir de Brie. La trace nous fait passer par le centre historique de Brie-Comte-Robert et traverser le parc du château médiéval édifié au XIIème siècle. Quel univers impitoyable ce devait être!
Nous longeons la Francilienne pour rejoindre Moissy-Cramayel en traversant une belle plaine ondulée et ses champs de blé. De chemins en pistes cyclables nous arrivons rapidement à Saint-Fargeau Ponthierry. Le rendez-vous est fixé sur la parking de la gare. Gandalf Man nous attend, déjà prêt pour le retour à Coupvray en vélo. Nous lui disons un grand merci, au revoir et allons nous approvisionner à la boulangerie du coin. Un petit aller-retour le long de la Seine nous permet de trouver un coin à l’ombre en bord d’eau pour manger nos sandwichs.
Retour au minibus. L’ambiance se tend façon « Il était une fois dans l’Est ». Il va falloir désigner les prochains conducteurs. Bien entendu personne n’a envie de laisser sa monture. Il était convenu de tirer à la courte paille. Sur proposition de Fabulous Man nous décidons d’un moyen plus moderne: l’appli PloufPlouf. Elfe Maléfique Man se méfie, il demande s’il est possible de vérifier le code source du bouzin, mais finit quand même par accepter. Le hasard numérique désigne… Fabulous Man pour rejoindre Milly-la-Forêt puis Bodega Man pour la dernière étape jusqu’à Nangeville. Nous suivons un itinéraire magnifique le long de la vallée de l’Ecole, en passant par Dannemois (CloClo reviens!!) et le château de Courances.
La chaleur moîte des orages naissants devient pesante sur les hauteurs. Elle est heureusement compensée par de nombreux passages arborés en bord de rivière. C’est au cours de ce tronçon que le petit cliquetis du dérailleur de Princess Man s’est transformé en, pour employer un terme un peu technique du jargon vttiste, « crouic-crouic prononcé », provoquant une sortie de galet de la chaîne sur tout rétropédalage de vitesse angulaire significative. Bref, c’est quand même un peu la merde. En même temps, tant qu’il pédale, ça va. Et comme pour faire du vélo comme du VTT, il suffit de pédaler, eh ben on continue de pédaler. Mais sa chappe nous paraît douteuse, un peu toute fripée et tordue: on examinera ça plus tard.
Milly-la-Forêt. Malgré quelques errements entre la halle et l’église nous finissons par nous retrouver et profiter d’une agréable pause à l’ombre d’un ancien lavoir. Nous y dégustons des fruits d’été à noyaux. Nectarines, brugnons, quelle origine, quelles différences ? Le débat lancé par Elfe Maléfique Man est houleux et ne sera pas tranché: il est temps de repartir. Bodega Man prête sa monture à Princess Man et prend le volant du minibus. Cette dernière étape est la plus casse-pattes, avec deux beaux raidards pour quitter la vallée de l’Ecole puis franchir celle de l’Essonne. A dix kilomètres de l’arrivée le ciel se charge vraiment. Nous nous dirigeons droit vers une importante cellule orageuse et apercevons avec anxiété quelques éclairs. Heureusement notre itinéraire pique au Sud sur les derniers kilomètres. Nous laissons l’orage sur notre droite et arriverons au gîte à 16h30, au sec.
Nos hôtes nous accueillent: charmants, sympathiques et prévenants. Bodega Man a déjà déchargé les bagages. Nous découvrons le jardin à l’arrière du gîte et nous concentrons sur l’essentiel: le pré-apéro. Equilibre délicat entre la sécheresse en bouche du TUC, l’apport hydrique de la boisson fraîche, gazeuse et vitaminée et l’onctuosité salée de la cahouète. Tout en évitant de s’étouffer en éclatant de rire avec les conneries des uns et des autres. L’orage atteint Nangeville juste après la douche. Le vent forcit. Nous craignons une chute de branche ou d’arbre et abritons les vélos… dans la salle à manger, avec l’accord de nos hôtes bien entendu.
Lili, notre gironde hôtesse et cuisinière du food-truck du gîte, présente le menu: salade de betteraves, hamburger maison et tiramisu de mangue. Mais la betterave, mon bon monsieur, c’est de la betterave d’ici, du Malesherbois, rien à voir avec la betterave de la Seine-et-Marne. Et puis le boeuf du burger, il se mange à la cuillère, il a confit six heures dans de la graisse de canard. Et puis la moutarde aussi, elle sera bientôt faite maison, et elle le serait si les Canadiens n’avaient pas chipé toutes les graines de moutarde depuis la guerre en Ukraine. Bref, chez Lili, tout est bon, préparé avec amour et générosité et uniquement avec des produits locaux. Comme nous sommes dans le Loiret nous avons quand même un petit doute sur le côté local de la mangue, mais bon qui sait, avec le changement climatique. En tous cas le dîner fut royal et conclu par une eau de vie de quetsche de trente ans d’âge magistralement dégoupillée par Wise Man. L’incertitude des prévisions météo nous amènera à la seule conclusion qui vaille: le dimanche, ifébo.
Avant le coucher un peu de mécanique s’impose sur le vélo de Princess Man. Nous retournons le bestiau dans la cuisine, Trace Man ramène ses outils, et c’est parti pour un diagnostic avant l’opération. Chacun ausculte le dérailleur, tripote les galets, secoue la chaîne et met la main à la chappe: aucun doute, ya un truc qui va pas. Trace Man retire deux maillons à la chaîne, attrape la chappe à pleines mains et la redresse un peu. Même sans lubrification ça crouic-crouique déjà beaucoup moins: les vitesses passent bien et le rétropadalage est possible. Ouf, on peut dormir tranquille.
Dimanche matin. Le petit déjeuner est également servi au gîte. Pour cinq euros par personne nous aurions eu tort de louper ça! Point météo: la journée s’annonce très belle. Après les courses pour le barbecue du soir c’est le départ par la route pour rejoindre la base de loisirs de Buthiers située à 10km. Nous réservons pour midi à l’auberge du coin et partons explorer les singles sableux entre pins et rochers. Quelques chutes, certaines spectaculaires et heureusement toutes sans gravité, nous rappelerons l’attention constante nécessaire sur ce terrain piégeux.
Troisième sur le podium de la gamelle du jour, Fabulous Man avec la classique « racine en travers que je la vois et que ça devrait passer mais que bien sûr ça passe pas et là, bam ». Deuxième Elfe Maléfique Man « ah ben là j’ai juste rien compris, t’as compris toi ? » pour un très beau et très pur plantage de la roue avant dans le sable. Premier et grand gagnant Princess Man pour son magnifique « over the bar », in french « rabotage de la planète avec la face après avoir franchi le guidon le corps à l’horizontale ». Nouveau point météo au cours du déjeuner: le temps a l’air de rester au beau. Nous partons sur le parcours proposé par Trace Man, adapté d’une trace du raid VTT du club local. Même si les premiers kilomètres empruntent les sentiers que nous avons déjà amplement exploré le matin, de petites variations et changements de sens nous les font paraître presque nouveaux. Les six kilomètres de cette partie technique seront parcourus en… une heure. Heureusement, la suite de la trace est plus roulante et nous conduit par chemins et petites routes jusqu’aux Deux Portes de Boulancourt, à l’entrée du parc du château d’Augerville, pour ensuite longer l’Essonne et remonter vers Malesherbes. A Malesherbes Princess Man et Wise Man rentrent tranquillement au gîte par la route. Le reste du groupe suit la trace qui mène à travers champs. Au bas d’une descente Fabulous Man fait preuve d’une incroyable maîtrise technique. Surpris par la présence d’une portion boueuse il part en glisse à gauche et à droite, manque de partir en soleil et termine sur le sec comme si de rien n’était. So Fabulous, Man! Après quelques montées en faux plat vent de face sur les chemins caillouteux nous arrivons au gîte.
Après le nettoyage des vélos, plus ou moins marqué suivant le choix de chacun en termes de politique de maintenance de la mécanique, et la douche des pilotes les ateliers « salade de pâtes », « saucisses/merguez », « apéro » et « mise de la table » s’organisent bien. Elfe Maléfique Man furète quelques brindilles pour l’allumage du barbecue. Grâce lui soit rendue ici car sans cette contribution majeure il est peu probable que le feu eût pris et que conséquemment la merguez grillât. Le coûcher est marqué d’un incident: Trace Man ne retrouve plus sa trousse de toilette! Balot pour se laver les dents… Encore plus étrange, après avoir retourné plusieurs fois tout le gîte pour la retrouver façon sanglier dans les sous-bois, il la découvrira plus tard dans la nuit… sous son oreiller. Au matin il en discute avec Wise Man, voisin de chambrée, qui lui aussi a étrangement retrouvé un objet sous son oreiller, en l’occurence sa poche à eau. Nous soupçonnons qu’un lutin farceur est à l’oeuvre, du genre à te faire quand même un peu regretter l’époque médiévale pour obtenir des réponses rapidement, du temps que les fers rouges et l’écartèlement ne rebutaient personne. Tiens, bizarrement, après avoir échangé avec tout le groupe, il se trouve que seul Elfe Maléfique Man n’avait rien sous son oreiller. Il nie admirablement bien être à l’origine de cet incident drolatique à souhait. Dommage, nous n’avons pas le temps de demander à Lili si sa cave est équipée pour un interrogatoire. Le mystère restera entier.
Chargement du minibus et début du retour. Trace Man a choisi un chemin qui passe plus au Nord qu’à l’aller, par Evry et les forêts de Sénart, Notre-Dame et Ferrières. Wise Man souhaite se préserver un peu, son programme de fin de semaine comprend trois jours de VTT dans les Vosges! Il prendra donc le volant jusqu’à Evry. Les chemins des 25 premiers kms sont très jolis mais les violents orages de la nuit les ont transformés en passages boueux. Il faut vite retrouver les réflexes de glisse du pilotage hivernal. Princess Man ne résiste pas à l’appel de la boue de l’Essone et en profite pour se faire un masque facial. Et il veut nous faire croire qu’il s’agit d’une nouvelle gamelle! Sa coquetterie le perdra. Premier ravito sur la place de l’église de Mondeville. Après deux jours d’efforts et ces premiers 25km dans la boue le chocolat fait recette.
A l’approche d’Évry le retour en zone urbanisée nous fait emprunter des pistes cyclables. La pause midi a lieu à la boulangerie Ange de Villabé. La terrasse ensoleillée en extérieur convient parfaitement à nos besoins. Princess Man prend le relais de Wise Man au volant du minibus. Nous retrouvons les chemins forestiers d’Évry à Pontault-Combault, en forêts de Sénart et de Nôtre-Dame, ainsi que quelques grimpettes au sortir des vallées de la Seine et de l’Yerres. Les derniers 25km se feront sur les chemins connus mais néanmoins boueux de la forêt de Ferrières. Wise Man nous gratifie d’une extraordinaire pirouette acrobatique. Suite à un freinage appuyé pour éviter Bodega Man qui partait (mille excuses, encore un terme technique) « en sucette sur le côté », il réussit l’exploit de se retrouver à distance de son vélo, debout dans une flaque et sans une trace de boue sur le corps. Tout ça dans une zone que même un sanglier adulte ne peut traverser qu’à la nage. Entre la ferme d’Hermières et le domaine des Trente Arpents la trace prévoit un passage original… mais surtout très impraticable. Un porté dans les sous-bois et nous retrouvons la longue ligne droite qui ramène à Villeneuve. Le sprint final se prépare dès le pont du TGV, avec une belle attaque de Fabulous Man qui franchit en tête le col du Ru de la Folie. La remise de gaz de Bodega Man dans les derniers hectomètres est impressionnante et lui permet d’emporter haut la main la pancarte de Villeneuve. Nous partageons les derniers TUC chez Trace Man, autour d’une boisson fraîche, gazeuse et vitaminée. Quelques kilomètres encore à parcourir en vélo pour Junior Man et Elfe Maléfique Man. Ce dernier fera même deux tours de son pâté de maison en plus pour atteindre 700m de dénivelé positif au compteur.
Au final nous garderons le souvenir de trois belles journées de VTT entre potes sous le soleil, avec beaucoup de chance d’être restés au sec au vu des orages qui ont arrosé l’Ile-de-France. Une expérience à renouveler donc!