31 juillet/1er août 2022
de la Cerdagne aux Landes en passant par le Gers
Vince
Au programme cet été deux semaines à la montagne fin Juillet, à Bolquère près de Font-Romeu dans les Pyrénées Catalanes, suivies d’une semaine au bord de l’océan début Août, à Biscarosse dans les Landes. L’idée d’y greffer un périple vélo longue distance a germé début juillet. L’organisation s’est précisée en début de deuxième semaine à Bolquère: prévisions météo au top pour le weekend à venir, il ne reste plus qu’à définir l’itinéraire. Le parcours total fera 480 bornes divisé en deux journées de 240 bornes. Les étapes émergent: Mirepoix pour le samedi midi, le sud de Auch pour le samedi soir, Eauze pour le dimanche midi, arrivée à Biscarrosse.
Une recherche internet permet d’identifier rapidement un hébergement pour le samedi soir: le bikecamping de Villefranche-d’Astarac. Le site précise « Should you telephone and there is no reply, we are more than likely out cycling »… c’est plutôt bon signe! Je prends contact avec mon hôte, Eliane. On se comprend bien, on parle frenglish tous les deux. Je réserve une formule « caravane ».
Bon, ne reste plus qu’à pédaler… et là ça se complique. Mercredi nous avons en famille fait une très belle randonnée pédestre, l’ascension du pic Carlit depuis le lac des Bouillouses, une montée à 2900m avec près de 1000m de d+. A la descente je suis parti fou en descendant à moitié en courant façon trail. C’était bon… mais ça fait très longtemps que je n’ai pas couru, et encore plus longtemps que je n’ai plus la fraîcheur et la légèreté du cabri de printemps. Du coup énormes courbatures jeudi et vendredi, du genre à te faire vraiment réfléchir à trois fois devant chaque marche de chaque escalier. Samedi matin au réveil je serre encore très fort la rampe de l’escalier pour descendre à la cuisine. Au moins je ne descends plus les marches une à une, ça devrait passer! Petit-déjeuner, préparation des bagages, je fais dans le minimal: coupe-vent, brosse à dent/dentifrice, short/tee-shirt, chargeur de téléphone.
6h25, départ pour Mirepoix. 114 bornes, en théorie ce n’est que de la descente puisque l’altitude passe de 1600m à 300m. En pratique il y aura quand même 1100m d’ascension. Quand on vous dit que la différence entre théorie et pratique est plus grande en pratique qu’en théorie. Les premiers coups de pédales seront un peu douloureux. Je prends soin de bien mouliner les 40 premiers kilomètres. Heureusement que je les ai reconnus en début de semaine car le brouillard est épais depuis la Llagonne, le long du lac de Matemale et jusqu’à Puyvalador. Il se sera complètement dissipé pour permettre de découvrir, depuis une petite route accrochée à flanc de montagne au sein du parc naturel TM71 (du nom de la magnifique grotte qu’il protège), les fantastiques paysages de la vallée de l’Aude, canyon creusé dans les plis d’un manteau de chênes et de châtaigniers. Vigilance quand même: entre petits éboulements et micro-tunnels taillés dans la roche, mieux vaut ne pas trop lever les yeux de la route. Le relief s’adoucit le long de la vallée de l’Hers qui conduit jusqu’à Mirepoix.
Arrivé à Mirepoix je cherche rapidement un sandwich pour pouvoir prendre un peu de temps à visiter la ville médiévale extrêmement bien conservée, la place des Couverts, la cathédrale (réinterprétation par Viollet-le-Duc d’un édifice dont la construction aura duré six siècles) et son orgue unique. La fraîcheur des lieux invite à une méditation siestale, spirituellement beaucoup plus riche que la sieste méditative. C’est tentant, mais l’après-midi va être longue! Je repars direction Villefrance-d’Astarac. 130 bornes dans le relief vallonné du Gers, avec un peu moins de 700m de d+. La chaleur de l’après-midi et le vent, de face et qui a bien forci depuis la fin de la matinée, corsent un peu l’affaire. En cours de route j’informe régulièrement de mon avancée la famille et mes deux mentors du club, Thierry et Claude, par l’intermédiaire du groupe WhatsApp créé pour l’occasion. Leur soutien fait le plus grand bien. J’arrive au bikecamping à 19h01 pour une arrivée prévue à 19h00, bien vu! Jusqu’au dernier instant je pensais que j’aurai un peu d’avance, mais Eliane m’avait prévenu d’une petite surprise à l’arrivée. Tu m’étonnes! Un bon vieux raidard à 15-16% pour grimper jusqu’au gîte, ça finit de te dessécher le gosier!
Heureusement la première question d’Eliane sera: est-ce que tu aimes la bière ? Après la soif (une bière pour chaque jambe) on passe rapidement à la satisfaction des autres besoins élémentaires du cyclo rôti au soleil: manger, se laver, dormir. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire elle m’explique l’hébergement (un lit dans une ancienne caravane, l’accès à une zone cuisine/sanitaires) et amène le repas: pizza, salade de fruit, mousse au chocolat. Attablé à l’extérieur je savoure au soleil couchant en contemplant le panorama magnifique de la campagne gersoise et en profitant de son calme apaisant. Mark son mari passera discuter, un peu de tout et surtout de vélo. Rendez-vous est pris pour le petit-déjeuner demain 6h00. Je mets en charge les bidules électroniques (GPS, téléphone) et direction douche/lessive/dodo. Au matin, en plus du café croissants, Eliane me fournit une banane pour la route. Avant le départ nous ferons une petite séance photo au soleil levant. En résumé un accueil éminemment chaleureux et extraordinairement bien adapté aux besoins du cyclo randonneur, le tout pour un prix plus que très contenu! J’espère chers Eliane et Mark que votre entreprise rencontrera tout le succès qu’elle mérite.
Cap sur Eauze, 96 bornes, 860m de d+ et toujours ce vent de face qui forcit en même temps que le soleil monte et chauffe le bitume. Ma traversée du pays d’Auch passe par Vic-Fezensac, fief du Tempo Latino, plus grand festival européen de musiques latines et afro-cubaines. J’y trouve cette ambiance particulière d’une grosse fête au matin, quand tu ne sais pas trop si les humanoïdes béats que tu croises sont tout juste réveillés ou pas encore couchés. J’aurais bien pris un café mais je tiens à être à Eauze avant midi: on est dimanche, Eauze est mon dernier point de ravitaillement à peu près certain avant la traversée des Landes. Les cultures du Gers cèdent peu à peu la place aux vignes de l’Armagnac. Dans une montée à quelques kilomètres d’Eauze un jeune cyclo me rattrape. On commence à papoter. Il s’appelle Théo, termine sa sortie du dimanche avec un copain et semble passionné de longue distance. Il habite tout prêt et m’invite à manger un morceau chez lui. J’accepte l’invitation avec plaisir. Nous passons un très agréable moment dans sa propriété à échanger sur nos expériences cyclotouristiques. Au moment du départ je prends quand même bien soin de ne pas confondre eau et Armagnac pour le remplissage des bidons! Nous échangeons nos coordonnées, j’espère que nous aurons un jour l’occasion de faire un bout de route ensemble, qui sait…
Je reprends mon chemin et arrive à Roquefort, celui des Landes, sur le coup de 15h00. Petit café en terrasse et récap de l’étape: sur les 130 bornes de l’après-midi je viens d’en faire 50 qui comprennent l’essentiel des 500m de d+. Les portions roulantes ont été avalées à une vitesse correcte, la moyenne depuis Eauze est à 24 km/h. Je me sens plutôt bien, j’ai déjà pratiqué les routes landaises à l’époque maintenant lointaine où je faisais du triathlon dans la région. C’est donc plutôt confiant et la fleur au fusil que j’imagine mettre tout à droite et en avant Guingamp, avaler les 80 bornes restantes en trois heures max… j’ai bien vite déchanté!
Le vent a vraiment forci. Il est assez constant et de face ou trois-quart face. La chaleur, sans être caniculaire, est élevée. Dans certaines lignes droites, vent de face, je suis sur le petit plateau à 14km/h! L’eau chauffe dans les bidons et devient impossible à boire. Le ciel est barré d’une étrange traînée. Je croise à deux reprises des camions de pompiers. J’apprendrai en arrivant que le feu de Landiras a repris et que le village de Mano a de nouveau été évacué. Et en même temps les canons d’irrigation continuent d’arroser des maïs secs comme des rouleaux de papyrus de l’ancienne égypte. Et soudain c’est le déclic! Il m’aura fallu du temps mais je crois que je commence à comprendre « en même temps » (je parle bien entendu du film de Kervern et Delépine). C’est très simple: les pins brûlent et en même temps tu arroses du maïs sec; tu te plains de la chaleur et en même temps tu mets la clim; tu trouves le gasoil trop cher et en même temps tu roules dans des bagnoles de plus en plus grosses. Et comme ça, en même temps, ça va aller mieux!
Labouhère, 18h00, 30 bornes de l’arrivée. Heureusement un troquet est ouvert. Ce doit être le seul du coin. Pas mal de soiffard-e-s sont là, les discussions sont animées. Je prends un jus de fruit. La patronne sympa remplit les bidons moitié eau moitié glaçons. On entame la discussion, elle demande où je vais d’où je viens. Elle et les piliers de son établissement n’en croient pas leurs oreilles quand ils apprennent que je suis parti hier matin d’un village des Pyrénées près de Font-Romeu. Ça permet à mon voisin de comptoir d’entamer le récit de ses fougueuses épopées cyclistes de jeunesse. Enfin, de son unique voyage de 400km pour rejoindre Châtellerault. Enfin, des premiers 200km parce malheureusement un oignon d’échauffement au pied l’a contraint à abandonner son périple, et par suite ses autres rêves de voyage en vélo. Je termine mon jus de fruit, décline poliment l’invitation faite à contempler l’oignon briseur de destin, salue cette sympathique assemblée et reprends ma route. Je mettrai encore une heure et demi pour arriver à Biscarrosse, profiter d’une bière fraîche et surtout d’une très belle semaine en famille.
Et maintenant, cap sur les 24h du Mans vélo les 27 et 28 août prochains, en équipe de quatre cette année !